Catégories
art invisuel Témoignages

Reuth Zohar

Vos parents, vos proches ou votre famille ne vous ont pas encouragé à chercher ce que vous voulez?

R. Z. : Ils étaient d’accord. Mais je pouvais sentir le message sous-jacent que je n’étais pas dans le courant dominant. Je ne fais pas ce que tout le monde fait. Il est plus approprié que je le fasse de manière conventionnelle et que j’aille jusqu’à la vingtaine et de passer le cap de la vingtaine. Et maintenant, dans la trentaine, c’est ce qui me caractérise : je fais des choses qui sont intéressantes pour moi. J’arrive ensuite à une certaine conclusion et je peux alors passer à autre chose.
Et comme je vous l’ai dit au début, ces expériences, j’essaie de les travailler comme s’il s’agissait d’un contrat et d’un employé. Et c’est ce qui m’a fait comprendre cela. Parce que je ne pouvais pas m’intégrer, qu’il n’y avait peut-être pas quelque chose qui n’allait pas chez moi. Peut-être qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas avec le système et cela m’a donné envie de commencer à imaginer. Ok, quel serait un bon endroit pour moi travailler.

Parce que j’imagine que je ne suis peut-être pas une personne typique, mais peut-être que des personnes plus typiques ont ressenti de la même manière que moi le désir d’être plus authentiques au travail. De s’exprimer, d’avoir des idées sur la façon de travailler s’exprimer, avoir des idées sur la façon de changer certains problèmes liés au travail. Et ils veulent sentir que leur opinion compte et qu’elle a un impact. Et j’ai l’impression qu’après COVID, il est plus pertinent que jamais de commencer à changer cet état de fait. Il est plus pertinent que jamais de commencer à changer cette dynamique hiérarchique et d’essayer d’être plus… D’entendre davantage d’opinions afin de parvenir collectivement à une meilleure solution.

Catégories
art invisuel Témoignages

Tsan Loli

Il y a aussi le problème de la représentation des femmes dans l’art. En fait la femme, c’est l’objet du désir. Quelle est la voix de l’objet du désir ? Bah en fait, l’objet du désir, il ne dit rien. Est-ce que c’est : « Ooh je l’aime ! Je suis attirée » ? Une femme ne va pas dire : « Moi, j’aime ! Moi, je veux ! » En littérature, ce n’est pas du tout comme ça…

En musique ou dans les arts visuels, on peut très bien dire ça a été fait par un homme, « Ah bah, je vais acheter tout de suite » ; non, c’était une femme « Ah bah, ça ne va pas coûter très cher ». Parce qu’en fait, depuis longtemps, il y a des espèces de préjugés de société qui disent que vous savez biologiquement une femme ne peut pas créer des œuvres de grande envergure et voilà, donc souvent et bien il y a eu ….mais par contre en littérature, et bien comme c’est écrit, il y a le langage comment va se cacher la femme écrivain.

Comment elle va faire pour être acceptée ? Il va falloir qu’elle se déguise comme George Sand qui s’habillait en homme ou qui prenait un pseudonyme ou alors elle va, inverser les rôles. Alors ça, c’est Marguerite Yourcenar. Donc Marguerite Yourcenar c’est extraordinaire parce qu’elle a pris un masque permanent et elle était misogyne.

Enfin, ce n’est pas possible dans toutes ses œuvres depuis le début, elle se met dans la peau d’un homme. Donc, elle ne dit jamais la narratrice, c’est toujours un narrateur. Le personnage principal, donc le protagoniste, c’est toujours un homme. Elle n’a pas accepté sa voix de femme. Et c’est quand même très triste. C’est une écrivaine extraordinaire et je me demande si elle était née au XXIe siècle, est-ce qu’il y aurait moyen qu’elle puisse parler avec la voix d’une femme.

Catégories
art invisuel Témoignages

Rohart Angèle

J’ai commencé les études d’art assez tôt parce que j’ai tout de suite fait un bac pro en communication visuelle donc j’ai commencé par le graphisme. C’était très intéressant, mais je me suis vite rendu compte que ce n’était pas ça que je voulais que je faire, répondre à une commande.


À ce type de commande d’art appliqué, ce n’était pas vraiment ce qui m’intéressait. Après, j’ai fait une prépa et à la suite de ça, je suis partie aux Beaux-arts de Poitiers où j’ai fait mon master là-bas.
Donc j’ai été diplômée en 2020 pendant le COVID donc ça a été assez compliqué, assez mouvementé, mais bon…on s’accroche. Après, c’est vrai que la sortie d’école n’est jamais un moment très, très plaisant. Avec le contexte du COVID en plus, c’était assez dur, assez fastidieux et c’est vrai du coup que je suis partie de Poitiers pour revenir sur Paris. Il a fallu que je remonte un réseau de zéro et c’est quand même assez compliqué. Après, j’ai eu la chance de rencontrer différentes artistes avec qui j’ai pu travailler qui m’ont un petit peu épaulé. À travers elles, j’ai vu pour beaucoup que c’était quand même assez important de se soutenir entre femmes, qu’elles privilégiaient aussi de bosser avec des nanas pour justement donner de la visibilité aux autres et essayer de s’encourager parce qu’on n’est pas réellement mises en valeur. On est beaucoup dans l’école, mais une fois sortie, on ne nous voit pas trop. Même si ça évolue, un petit peu, les lignes sont dures à bouger. C’est global, c’est la société en fait. C’est le temps que ça rentre dans les codes, qu’on s’habitue, que l’on comprenne que plus d’inclusivité ce n’est pas quelque chose de mauvais au contraire. Tout le monde va y gagner, c’est plutôt bien. Ceux qui ont la plus grosse part du gâteau ont un peu de mal à partager. Petit à petit, on va essayer de leur faire comprendre que ça peut être sympa quand même. Ils ne vont rien perdre.